sábado, 16 de junio de 2012

Les mines incendiaires du Pérou. Le point sur une crise politique sans précédent




Par Camille Boutron
Vu depuis l’Europe, le Pérou apparaît avant tout comme une destination touristique de premier ordre. Qu’il s’agisse du fameux Machu Pichu, du lac Titicaca ou des lignes de Nazca, les sites classés « patrimoines de l’humanité » par l’UNESCO ne manquent pas. La région de Cusco, berceau de la célèbre civilisation inca, attire chaque année des milliers de touristes. Son succès est aisément compréhensible : il y en a pour tous les goûts et tous les âges, du clubber le plus déphasé à l’intellectuel le plus exigeant.Or c’est dans cette même région de Cusco qu’a éclaté en mai dernier un conflit ouvert entre les habitants d’Espinar, au sud du département, et l’entreprise minière Xstrata Copper, qu’ils soupçonnent ne pas respecter les règles environnementales dont elle est pourtant censée s’acquitter. La mobilisation, qui se présente en réalité comme le fruit d’un conflit récurrent entre la population et la mine depuis près de vingt ans, s’est radicalisée ces dernières semaines jusqu’à provoquer la mort de quatre personnes au cours d’affrontements avec les forces de l’ordre. Aucun compromis n’a été trouvé à l’heure actuelle entre les protestataires et l’entreprise minière dont les intérêts semblent bien gardés par le gouvernement péruvien qui tend à se radicaliser à mesure que le mouvement prend de l’ampleur. C’est ainsi qu’Oscar Mollhuanca, le maire d’Espinar et l’un des leaders de la rébellion, a été arrêté il y a quelques jours et placé en détention provisoire dans l’attente d’un procès à la légitimité douteuse. Les manifestants, loin de se laisser décourager, ont tenu bon face aux autorités et ont exprimé leur rejet de la répression exercée par l’Etat en réalisant une marche de protestation vendredi dernier aux abords de la prison où est détenu Mollohuanca. Le conflit à Espinar se présente ainsi comme le paradigme d’une crise politique sans précédent au Pérou depuis la chute du régime autoritaire instauré par Alberto Fujimori entre 1990 et 2000. Suite à l’arrestation de Mollohuanca, quatre congressistes faisant partie pourtant de la majorité présientielle ont en effet démissionnés de leurs fonctions dont Veronica Mendoza, représentante de la région de Cusco. Les raisons invoquées se fondent principalement sur la volte face opérée par le gouvernement par rapport à ses promesses électorales et la radicalisation de la répression opérée par l’Etat dans le cadre des conflits sociaux ébranlant le pays.Espinar n’est en effet pas le seul cas de résistance populaire face aux mines. Dans la région de Cajamarca dans le nord, un conflit oppose depuis plusieurs mois la population au projet d’exploitation minière Conga. Or si la région de Cajamarca est emblématique de l’exploitation minière au Pérou, elle est aussi agricole. Le projet Conga aurait ainsi des conséquences désastreuses sur les ressources hydrauliques du territoire et l’activité agraire. La mobilisation à Cajamarca apparaît ainsi comme le reflet d’un long bras de fer entre l’Etat et les entreprises minières d’un côté, et les populations locales de l’autre. Le président régional, Gregorio Santos, qui soutient ouvertement les manifestants, fait ainsi depuis plusieurs semaines l’objet de violentes critiques venues des élites liméniennes qui l’accusent d’instrumentaliser la rébellion à des fins personnelles. Il risque d’ailleurs lui aussi d’être traduit en justice pour « incitation » à la violence.Dans un pays ayant été marqué par vingt ans de conflit armé et d’autoritarisme, ces événements ne sont certes pas anodins. Ils soulignent d’une part l’extrême indifférence des élites face aux demandes populaires rurales et la capacité répressive d’un gouvernement qui avait pourtant promis une « grande transformation ». Le Pérou apparaît en effet comme un pays fracturé, divisé, caractérisé par la mésencontres des divers groupes sociaux qui le construisent. Près de deux-cent ans après son indépendance, il reste un pays colonial où la distribution des richesses s’inspire de castes invisibles déterminées à partir de l’identité ethnique et du capital culturel. La réaction du gouvernement face aux protestations qui ébranlent l’ensemble du pays (car Espinar et Conga ne sont pas les seuls conflits ouverts à l’heure actuelle) est représentative de l’indifférence et du racisme dont souffrent les populations rurales. Cet Etat de fait n’est pas nouveau : la situation actuelle se place en réalité dans la continuité des nombreux conflits sociaux ayant marqué l’histoire contemporaine du Pérou. Le président Ollanta Humala cependant, a été élu grâce aux votes de ces mêmes populations qu’il réprime à l’heure actuelle d’une main de fer. Et cette fois-ci, la crise sociale est aussi une crise politique qui secoue le cœur même du gouvernement. On est donc en droit de penser qu’Espinar et Conga ne sont pas des conflits parmi d’autres mais bien des événements susceptibles de marquer un tournant décisif dans l’avenir du pays. Le gouvernement d’O. Humala en effet, va devoir faire des choix, et étant donné la situation actuelle on le voit difficilement aller vers la conciliation et il est à craindre un effet de militarisation de la politique qui serait difficilement conciliables avec un régime démocratique.Selon le quotidien Perú 21[1], 195 personnes auraient trouvé la mort dans les conflits sociaux entre 2006 et 2011. Si ce chiffre est bien moindre de celui du nombre de victimes provoquées par le conflit armé qui fit rage entre 1980 et 2000, il y a tout de même lieu de s’interroger. En effet, alors que l’Institut de Recherche sur la Paix d’Oslo (PRIO) définit la situation de conflit armé à partir de 25 morts par an au cours d’affrontement entre les forces de l’ordre et un groupe politique rebelle, on peut se demander dans quelle mesure il n’y a pas lieu parfois de renverser la perspective classique des conflits armés qui tend à mesurer l’origine de la violence à partir du soulèvement d’un groupe politique rebelle. Peut-être la présence d’un tel acteur n’est-elle plus nécessaire afin de reconnaître une situation de conflit et à la lumière du cas péruvien, il y a lieu de s’interroger sur la possibilité d’un Etat qui déclarerait la guerre à (certains) de ces citoyens.

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